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Éthique des consultantes en lactation IBCLC et dérives marketing du soutien à l’allaitement

Éthique des consultantes en lactation IBCLC

Le monde du soutien à l’allaitement en pleine mutation


Depuis quelques années, l’accompagnement à l’allaitement s’est fortement démocratisé. Sur les réseaux, on voit fleurir des “coachs en tire-allaitement”, “accompagnantes périnatales”, “expertes du tire-allaitement” ou “facilitatrices en allaitement” ou encore des “consultantes en lactation” sans certification IBCLC. Se développe également tout un réseau d’annuaires avec organisation de consultations et ateliers en ligne, qui promet visibilité pour un coût non négligeable. Cette visibilité accrue pourrait sembler positive : l’allaitement gagne en présence dans l’espace public. Mais derrière cette popularité se cache une réalité qui nous interpelle, aussi nous vous proposons une réflexion éthique sur les dérives du soutien à l’allaitement.


Cette question vous intéresse ? vous pouvez intégrer notre groupe de réflexion sur la pratique clinique



Niveau de formation dans le soutien à l'allaitement


En effet, beaucoup de ces nouvelles figures ne disposent que d’un niveau de formation très limité, souvent issu de cursus privés, non reconnus. Faute d’un socle solide en physiologie, pathologie ou pharmacologie, ces accompagnantes ne peuvent pas toujours évaluer la pertinence et la fiabilité des informations qu’elles diffusent.  De même se développent des diplômes universitaires dans de nombreuses universités, et là encore avec des niveaux variables. Si beaucoup de ces nouveaux acteurs du soutien à l'allaitement  apportent des informations de base et un soutien primordial, certains reproduisent, sans le savoir, des discours erronés issus de formations de qualité discutable… ce qui, à terme, nuit aux familles.


Le rôle des IBCLC : compétence, science et éthique


Éthique des consultantes en lactation IBCLC


Les consultantes en lactation IBCLC, quant à elles, s’appuient sur un niveau de formation et de pratique clinique exigeant et un code de déontologie international défini par l’IBLCE.

 Selon ce code, elles s’engagent à :

“1. Fournir des services qui protègent, promeuvent et soutiennent l'allaitement maternel 2. Agir avec une diligence raisonnable 3. Respecter le secret professionnel 4. Faire des transmissions exactes et complètes aux autres membres de l'équipe soignante 5. Exercer leur jugement de façon indépendante et éviter les conflits d'intérêt 6. Faire preuve d'intégrité personnelle 7. Respecter les normes professionnelles attendues d'un(e) IBCLC 8. Se conformer aux procédures disciplinaires de l'IBLCE”

et plus spécifiquement

  • Fournir des soins culturellement appropriés et fondés sur les meilleures données scientifiques disponibles, de sorte à répondre aux besoins individuels de chaque usager. 

  • Fournir des informations exactes et suffisantes pour permettre aux usagers de faire des choix éclairés. 

  • Transmettre des informations précises, complètes et objectives sur les produits commerciaux. 

  • Présenter les informations sans parti pris personnel.

Ce cadre déontologique protège les familles, mais aussi la crédibilité du métier. C’est ce qui distingue une approche professionnelle de l’accompagnement d’une simple prestation d ' “accompagnement allaitement” largement proposée par des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Aujourd’hui , on regrette que  la discussion éthique s’oriente presque exclusivement autour du respect du code de l’OMS de commercialisation des substituts du lait maternel, et des risques associés au marketing abusif des laits infantiles. Cette conversation est primordiale mais incomplète au regard des nouveaux enjeux commerciaux qui explosent dans le monde de la périnatalité.

Quand l’éthique s’efface derrière le marketing


Dans un contexte où les réseaux sociaux amplifient la visibilité de certaines offres, les IBCLC se retrouvent parfois en concurrence avec des profils très actifs, mais peu qualifiés. Certains partenariats posent également question : des consultantes, parfois même certifiées IBCLC, collaborent avec des loueurs de tire-lait, des marques de compléments galactogènes ou des vendeurs de matériel d’allaitement.


Etant donné le peu de reconnaissance de ce métier, la difficulté à vivre uniquement des consultations en allaitement, et la concurrence par des profils non-experts,  on comprend que ces partenariats, générateurs de visibilité et reconnaissance, soient attirants pour une consultante en lactation IBCLC.


Toutefois, cette association crée une confusion : le public perçoit la consultante comme caution scientifique des produits. Indirectement, ces partenariats valident la pertinence des marques et légitiment des pratiques commerciales qui ne reposent pas toujours sur des preuves solides. 

Le risque est double :

  • biais de confiance chez les familles, qui ne savent plus si le conseil est neutre ;

  • affaiblissement de la crédibilité collective des IBCLC, pourtant garantes d’une pratique indépendante.


Le rapport de l’IBFAN (International Baby Food Action Network) de septembre 2025 indique:

«L’IBFAN craint que la promotion commerciale des tire-lait ne compromette la relation normale avec l'allaitement (allaitement direct) et la pratique de l'expression manuelle (pour exprimer le lait maternel en cas de besoin). Afin de générer les profits escomptés par les propriétaires et les actionnaires, les fabricants de tire-laits font une large promotion de leurs produits auprès du secteur de la santé, du grand public, des futurs et jeunes parents qui ne réalisent pas toujours qu'ils ont besoin d'un accompagnement personnalisé pour les aider à les utiliser correctement.. »


Quand la parentalité devient un marché

Le soutien à l’allaitement s’inscrit désormais dans un écosystème marchand où tout s’achète:


  • compléments galactogènes, qui sont censés booster  la lactation: pâte à tartiner pour post-partum, barres énergétiques pour mamans, quantité de produits formulés spécifiquement pour les mères et vendus à prix d’or alors que leur efficacité est remise en cause ( notamment par L’ Academy of breastfeeding Medicine). Le marketing intensif de ces produits entretient le mythe que le corps des mères n’est pas apte à produire le lait  et leur utilisation vient se substituer à une conduite d’allaitement favorisant la lactation . 

  • dispositifs de prévention des crevasses (coquillages en nacre, coupelle…) qui favorisent les macérations, dermatites, mycoses et mastites en appuyant sur le sein.(Douglas 2022)

  • matériel en tout genre: du coussin d’ allaitement gonflable au matériel de tirage haut de gamme…

    Les seringues de recueil antenatal du colostrum sont un autre exemple, où marketing à outrance peut avoir des conséquences délétères sur l’allaitement…voir l' article de Mina Ognjanovic Jasovic à ce sujet

  • Coaching  sommeil du bébé”, 

  • Consultations   autour des “freins de langue”, probablement surdiagnostiqués, dont la prise en charge est  organisée dans des parcours pluridisciplinaires où les parents sont renvoyés d’expert en expert, dans une spirale anxiogène et de surmédicalisation qui dilue les responsabilités de chacun. 


S’il semble important de créer un réseau pour pouvoir référer une maman à risque de dépression du post-partum à un psychologue par exemple, il semble parfois que la « multidisciplinarité » risque de se transformer  en une forme de compérage, pratique interdite pour les professionnels de santé. Mais à nouveau, comme beaucoup de nouveaux profils ne sont pas professionnels de santé…


Ce glissement transforme progressivement les parents en consommateurs et les bébés en projets à optimiser. Les discours se médicalisent… mais par des professionnels qui ne sont pas médecins : “il a un frein de langue postérieur restrictif, on va faire des séances de massage pour l’assouplir et éviter la frénotomie”, “il faut tirer votre colostrum pendant la grossesse pour éviter les compléments à la maternité”, “il a un trouble du sommeil”… Le risque est ici de  pathologiser la normalité et faire perdre confiance aux familles dans leurs compétences parentales. 

Ce système, loin de soutenir l’allaitement, le complexifie. Il détourne l’attention des besoins fondamentaux: proximité, soutien, repos, écoute et si besoin accompagnement.


Qui forme les Consultantes en lactation IBCLC?


Des formations pour IBCLC réalisées par les vendeurs de matériel d’allaitement, ou par des personnes sans certification IBCLC ou culture scientifique


La question de la formation se pose également dans l'éthique des consultantes en lactation IBCLC.

De plus en plus de loueurs de tire-lait/ vendeurs de matériel d’allaitement proposent des formations (souvent gratuites), réalisées par des consultantes en lactation IBCLC, que ce soit à destination des consultantes en lactation, ou en milieu hospitalier aux professionnels de santé.

Là encore se pose une question éthique: 


Est-ce vraiment la place des vendeurs de matériel de former des consultantes en lactation?

Le parallèle avec les laboratoires pharmaceutiques et les médecins est évident et le site Transparence Santé a été mis en place pour limiter les dérives liées à ces pratiques.


Assister à une soirée de formation organisée par un loueur de tire-lait sur les douleurs de l’allaitement induit automatiquement un biais de conflit d’intérêt chez la personne formée, ( le jugement professionnel est influencé – consciemment ou non – par un intérêt secondaire, généralement financier ou de loyauté envers un tiers) avec un biais de réciprocité :lorsqu’on reçoit quelque chose (formation gratuite, repas, cadeau, reconnaissance…), on a naturellement tendance à vouloir “rendre la pareille”. 

Sont possibles également le biais de cadrage (manière dont l’information est présentée pendant la formation influence la perception du produit) et également le biais de confirmation (Une fois convaincu par la formation, le professionnel aura tendance à retenir surtout les informations confirmant ce qu’il a appris, et à ignorer celles qui vont dans le sens inverse).


Ce phénomène est répété lors de conférences données par des IBCLC pour des marques de compléments alimentaires, ou bien également dans les congrès financés en partie par ces entreprises. Immanquablement, la proximité des entreprises génère une sympathie auprès du public, lequel s’en trouve consciemment ou inconsciemment manipulé. 


Et l’on observe également l’inverse: un expert autoproclamé, parfois sans certification ou culture scientifique, voire qui ne respecte pas les consensus scientifiques, et qui devient formateur des professionnels de l’allaitement.


Etablir des repères éthiques et professionnels


Pour restaurer la confiance, il serait  opportun de:

  • valoriser la certification IBCLC et le code d’éthique associé,

  • refuser, en tant que professionnel de l’allaitement et de la périnatalité, tout partenariat ou toute formation qui puisse créer un conflit d’intérêt,

  • communiquer de manière transparente sur ses compétences réelles,

  • promouvoir une information scientifique de qualité, accessible et indépendante.

L’objectif n’est pas d’exclure, mais de clarifier les rôles : les familles doivent savoir à qui elles s’adressent, et sur quelles bases reposent les conseils reçus. 


Conclusion

Pour certains, l’allaitement est une niche marketing...mais c’est surtout un enjeu de santé publique, un lien biologique et affectif essentiel, qui mérite d’être protégé de toute instrumentalisation commerciale.

Les consultantes IBCLC, par leur éthique et leur expertise, sont des actrices clés de cette protection: soutenir une mère qui allaite, ce n’est pas vendre un produit, c’est accompagner une relation. Dans un monde saturé de discours marketings, cette posture-là est à préserver.


BIBLIOGRAPHIE

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